A chacun de mes passages à la cathédrale, je ne peux m’empêcher d’aller voir le pilier des Anges. Il m’intrigue et me fascine au plus haut point, surtout depuis que je sais qu’il a fait partie au Moyen-Âge de la liste des curiosités à y voir. Sa composition tripartite me plaît. Mon regard s’attarde sur les baldaquins, tourelles et édicules qui l’ornent de leur fine diversité, produisant un effet de variation des plus heureux. De là il passe aux statues et remarque le mouvement qui les anime. C’est le cas du Christ qui tourne sa tête et son buste en une remarquable flexion. Mais aussi de l’apôtre Mathieu dont les pieds dépassent de leur socle et je jurerais presque qu’il s’avance et va se détacher de la colonne pour venir à ma rencontre.
Mon plaisir s’est accru depuis que j’ai appris récemment que le pilier entretient des rapports certains avec l’Hortus deliciarum, manuscrit médiéval dont les représentations me paraissent des plus réussies. Naïvement j’établis un rapport entre ces pages coloriées et la présence encore visible de couleurs sur le corps du Christ et des ressuscités. Voilà qui stimule mon imagination qui recrée aussitôt, comme en un fantasme la cathédrale dans sa polychromie médiévale.
Mais surtout je me suis approprié un détail. Le buste sculpté de l’individu qui, penché sur la balustrade, observe le pilier, me renvoie ma propre image. Sa fascination ininterrompue est la mienne. Cet observateur a saisi et m’a fait comprendre la leçon qui se dégage de ce pilier : « Tout passe. – L’Art robuste/Seul a l’éternité. », comme l’a dit si justement le poète.
Francis Klakocer
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