Le voyage d’étude de mai s’est déroulé dans des conditions optimales, l’organisation toujours impeccable et une météo propice favorisant en même temps les échanges amicaux.
Tout a commencé avec Sarrebruck, dans la blancheur de la Ludwigsplatz « à la française », pourrait-on dire, en partie reconstruite autour du clocher survivant de la Ludwigskirche, une anomalie luthérienne en pays catholique due aux vicissitudes de l’histoire. Le magnifique concert d\’orgue qui nous a été offert associait précisément religions et nations autour de Jean Sébastien Bach et César Franck.
C ‘est par le massif occidental que débute la visite de la cathédrale d’Aix-la-Chapelle, bien que les vestiges romans y soient masqués par le XIVe siècle. Les plus visibles sont les grandes portes de bronze mises à l’abri sous le porche. Cinq chapelles gothiques, tardives ou remaniées, corsètent étroitement le carré carolingien originel que prolonge un chœur gothique. L’intérieur se concentre sur le célèbre octogone de la chapelle palatine, sans égal en Europe par la hauteur et la profondeur, et qui résume à lui seul les spécificités carolingiennes. Le réaménagement somptueux qui en fut entrepris au XIXe siècle nenlève rien à la beauté du lieu, complété par l’énorme lustre de Frédéric Barberousse. Dans le chœur, tout d’argent repoussé et doré, brille la châsse de Charlemagne, réalisée en 1215 après sa canonisation, mais il faut monter un peu pour retrouver l’empereur à la barbe fleurie de notre enfance, ou plutôt l’austère trône de marbre sur lequel ont siégé tous les Ottoniens, ou encore faire la visite du Trésor de la cathédrale, le moins ennuyeux des Trésors et le plus beau. Ivoires minutieusement sculptés, où l’orfèvrerie rivalise avec l’enluminure, ors et pierres précieuses contiennent toute la splendeur carolingienne. Malheureusement, il a fallu passer trop vite devant le magnifique sarcophage de Proserpine en marbre de Carrare, rapporté sans doute d’Italie par Charlemagne lui-même et qui abrita d’abord ses restes, et devant les riches reliquaires le concernant où, comme Saint Louis, il se trouve affligé par les guides d’un nombre incertain de bras.
Aix nous a offert toute la germanité, Trèves n’est que romanité. Aucune ville européenne, nous a-t-on répété sans cesse, à juste titre, ne recèle autant de traces visibles de la Rome antique et de la Rome paléochrétienne, comme la Porta Nigra, méconnaissable sous l’habillage d’une collégiale, ou le solide pont romain sur la Moselle, dont les piles ont résisté au temps. Il faut avouer qu’on découvre surtout l’énormité de cette capitale de la chrétienté voulue par l’empereur Constantin : dans l’espace laissé par l’immense amphithéâtre ou dans les thermes dispersés sur plusieurs hectares, ou encore dans la basilique métamorphosée selon les époques en tribunal, en palais ou en église, masquée de plus par la gracieuse demeure du prince-électeur.
Le Landesmuseum mériterait plusieurs visites ; nous avons dû laisser là le moyen âge pour les Romains et même les Celtes, et nous attarder devant les 2500 pièces d’or, à \’effigie de tous les empereurs romains successifs, retrouvées récemment dans les sous-sols de la ville, ou plus longuement devant les merveilleuses mosaïques (le quadrige par exemple) et les gigantesques monuments funéraires, ornés de scènes de la vie quotidienne des plus triviales (séance chez le barbier, navire chargé de tonneaux etc.). Une façon très ludique de vivre la romanité.
Tout comme celle d’Aix, la très belle cathédrale de Trèves a retenu notre attention à plus d’un titre. Elle est profondément encastrée dans d’autres églises, mais sa pureté n’en souffre pas, non plus que l’église Notre-Dame qui la jouxte. La « plus vieille cathédrale d’Allemagne » est également fondée sur le quadratum ancien et ce plan a été respecté par les bâtisseurs des Xe et XIe siècles, qui l’ont dotée d’une abside polygonale. Elle a une longue histoire, trop bien cachée au visiteur moderne sous les transformations tardives.
Retour à la modernité, Prix Charlemagne oblige, puisqu’il a été attribué cette année au Président français. Seule la vieille tour Granus a échappé à la « regothisation » de l’Hôtel de ville, révélateur de la « réception » de Charlemagne au cours des siècles (fresques d’Alfred Rethel). Faut-il signaler toutefois que le groupe n’a pas témoigné beaucoup d’enthousiasme à l’endroit de Karl Marx, né à Trèves il y a deux cents ans et gratifié cette année par la Chine d’une statue gigantesque.
Le retour par Luxembourg a favorisé l’exercice physique le long des remparts, d’autant plus nécessaire qu’il précédait le repas « gastronomique » attendu de tous. Pour finir, notre chauffeur, si efficace tout au long du voyage, nous a invités à trinquer sur la route.
Marielle Popin