Lors du voyage d’études de mai nous avons visité le Centre international du Vitrail, à Chartres, dont je garde un souvenir marquant.
D’abord, cette visite s’est déroulée avec une accompagnante pédagogique qui nous a expliqué les modes de réalisation des vitraux, tant modernes que médiévaux, images et outils à l’appui. Et de m’apercevoir que les techniques actuelles facilitent certes le travail, mais ne garantissent pas obligatoirement la réussite attendue. Ce que j’ignorais.
Ensuite, l’exposition intitulée Le vitrail contemporain en France, située dans les grandes salles voûtées datant du XIIIe siècle et classées Monument historique, a présenté une palette très large de réalisations actuelles. Oh ! je ne crierai pas au chef-d’œuvre pour chacune d’elles, loin de là. Mais certaines ont retenu mon attention tant par les formes mises en jeu que par les couleurs ou teintes employées. C’est le cas notamment de ce vitrail où s’est imposée à moi l’image de deux corps ensevelis dans leur linceul – deux gisants anonymes ? – tandis qu’une brume les enserre et les dérobe progressivement à ma vue, sous l’effet des sautes d’un vent aigre qui griffe les flaques d’eau. Bientôt personne ne saura plus leur nom, personne ne pensera plus à eux, ils auront passé comme feuille d’automne.
Au rez-de-chaussée, enfin, les vitraux de facture plus classique m’ont permis de remonter le temps et de saisir les problèmes de restitution ou de conservation, ainsi que les solutions mises en œuvre au fil des générations. C’est le cas tout particulièrement de cette Dormition.
Grâce à leurs représentations habituelles, on y reconnaît à gauche saint Jean qui s’apprête à prendre le cierge que la Vierge tient encore dans ses mains et au milieu saint Pierre tenant le goupillon ; au premier plan un apôtre non identifié lit les prières de l’absoute. J’aime jusqu’au ravissement ces anachronismes qui témoignent de l’idée naïve selon laquelle ces rites chrétiens auraient déjà existé au temps des apôtres ! Mais surtout, me plaît encore bien plus le remploi de morceaux provenant d’autres vitraux. Ainsi, tout à fait à droite de la scène, la tête de l’apôtre est un bouche-trou. Quant à la tête de la Vierge, autre bouche-trou, elle a été tout simplement remplacée par le visage d’un jeune homme blond coiffé d’un chapeau à plume ! Procédé plutôt leste. Il est vrai qu’il faut le remarquer. Cela prouve que la logique de recyclage déjà à l’œuvre ne regardait pas trop à l’exactitude des détails et que seul importait l’effet produit par la scène, jadis vue probablement de loin par les fidèles. Aujourd’hui on crierait au scandale. Autres temps, autres mœurs.
Décidément, les voyages forment même la vieillesse…
Francis Klakocer