Saint Jacques à la cathédrale de Strasbourg – 1. Les monuments disparus
Saint Jacques nous accueille dès l’entrée de la cathédrale et en position fort honorable. Ainsi le vantail gauche du portail central offre juste sous la poignée gauche une figuration sculptée de notre saint, remarquable par une particularité. Contrairement à l’habitude, on n‘y voit pas en effet les attributs traditionnels qui permettraient au profane de le reconnaître facilement. Mais, assis sur un banc de pierre, il tient de sa main droite un glaive pointé vers le haut, cependant que l’index levé de sa main gauche attire l’attention du spectateur et du fidèle et désigne probablement, vu son orientation, sa tête pour évoquer son martyre par décapitation. Son identification est aisée : en agrandissant la photo on peut lire le long de son avant-bras gauche IAQOBUS MAJ.
Toujours à l’extérieur, mais cette fois sur la droite du portail du transept nord, on le reconnaît à son épée ; il est à côté de saint Maurice en armure. La statue est une œuvre des artistes Conrad Siefer et Hans von Aachen. Ce n’est toutefois qu’une copie dont l’original, daté de 1495/1510, est actuellement au musée de l’Œuvre Notre-Dame.
Pénétrons maintenant dans la cathédrale ; les sculptures n’y manquent pas où que l’on porte ses pas. C’est le cas entre autres de la chapelle Saint-Laurent où l’on reconnaît sur l’un des piliers nord sa représentation par Philippe Grass. Déplaçons-nous à présent un peu vers le transept nord pour nous approcher de l’autel de Saint-Pancrace. La prédelle qui date de 1522 nous y offre une belle œuvre de Hans Wydyz, dont on sait qu’elle provient de Dangolsheim. Le saint ne peut y être méconnu puisqu’outre son chapeau bien connu il est doté de deux coquilles, l’une à même sur son chapeau et l’autre, très grande, tenue dans sa main gauche.
Bien différente est sa figuration dans le même transept, au Mont des Oliviers. Ni debout, ni assis, notre apôtre est lourdement couché au premier plan. Mais on ne peut le reconnaître car privé de ses attributs habituels. Pour y parvenir il faut opérer par déduction : puisque les deux autres apôtres à avoir assisté à cette scène sont saint Jean, jeune et imberbe, et saint Pierre que l’on reconnaît grâce à un renvoi à l’évangile, cette œuvre représente notre saint. Placé juste devant le spectateur, entre les deux autres disciples endormis, il a sombré dans le sommeil, lui aussi. Il se protège de la dureté de son oreiller naturel (une roche) en reposant sa tête dans le creux de sa main droite, où vient s’enrouler une mèche de cheveux. Ainsi soulevée, la chevelure prouve l’affaissement total dans le sommeil, cependant que son bras gauche laisse pendre la main qui retient un livre. Celui-ci est fermé et présente une reliure dont les ornementations et les lanières rappellent les livres solidement fabriqués à l’ancienne. Les lanières encore flottantes, qui font office de fermoir, confirment cette interprétation : lui aussi a lu, mais le sommeil l’a terrassé et c’est tout juste si la main retient encore le livre. Il est saisi sur le vif en train de se réveiller en raison du bruit causé par la venue de Judas et des soldats. Ne dirait-on pas d’ailleurs qu’il se frotte l’œil pour mieux voir et comprendre ce qui se passe, car émergeant d’un profond et lourd sommeil ?
Poursuivons notre cheminement dans la nef où nous trouvons, en position des plus flatteuses puisqu’elle est située à la chaire de Hans Hammer en compagnie des quatre évangélistes, une autre statue qui l’y représente de pied en cap. Elle date de 1815 et a été réalisée par J.E. Malade, mais est une réfection des dommages causés par la Révolution. Elle le présente avec sa coiffe ornée de la traditionnelle coquille, sa main droite reposant fermement sur le pommeau de son bourdon tandis que sa main gauche tient ce dernier par la hampe. Il est l’image du pèlerin qui, fatigué, fait une pause tout en regardant au loin le but qu’il veut atteindre. A la verticalité des plis qui tombent un peu lourdement il faut opposer le jeu savant des plis de sa cape qui tracent de belles courbes sinueuses par quoi le sculpteur a voulu montrer son savoir-faire.
Ainsi donc, à mettre nos pas dans les pas de saint Jacques, nous avons progressé en autant de stations du portail au transept en passant par la nef et la chapelle Saint-Laurent. Pèlerinage au parcours sinueux et varié, à l’image des chemins qu’empruntaient les fidèles à l’époque médiévale.
Sur une idée et des photos de Bernard D.
Texte de Francis K.