Saint Jacques à la cathédrale de Strasbourg – 1. Les monuments disparus
Saint Jacques à la cathédrale de Strasbourg – 2. Les sculptures
La dernière étape nous mènera en deux stations vers la fin de notre pèlerinage, à l’image des fidèles qui touchaient enfin au but en arrivant au chœur de la basilique espagnole.
Ultime station avant l’arrivée, les vitraux. Comment auraient-ils pu ne pas s’intéresser à notre saint ? Et de fait, on trouve sa représentation sur plus d’un vitrail. Saint Jacques figure ainsi dans la chapelle Saint-Catherine où il est le troisième à gauche dans la galerie des apôtres. On le retrouve dans le narthex où on le reconnaît sur le vitrail sud (milieu du XIVe siècle), quatrième personnage depuis le bas dans la lancette de gauche. Vêtu de jaune et de rouge, il tient une coquille à la main (difficilement visible il est vrai).
Plus intéressante probablement est sa représentation sur un vitrail (vers 1410-1430) de la galerie du chevet, vitrail qui provient de l’église des Dominicains. Il y est saisi en majesté et assis dans un cadre qui n’est pas sans évoquer le maître autel de la cathédrale de Compostelle. Sa chevelure blonde ceinte d’une auréole, il tient dans sa main gauche le bourdon (embelli tel un sceptre) orné de la coquille, le tout sur un fond bleu surmonté d’arcatures qui renvoient à un édifice religieux. A ses pieds l’on reconnaît des orants qui, mains jointes et têtes levées vers lui, lui adressent leurs prières, expression imagée des nombreux fidèles et pèlerins qui viennent l’invoquer avec ferveur. Et donc aussi de sa notoriété pendant toute l’époque médiévale.
Et pourtant ! Pareille interprétation est sujette à caution car ce vitrail est un assemblage de deux éléments. Les échelles sont différentes et la jonction entre les deux parties est anatomiquement fausse. A quoi avons-nous affaire, en réalité ? En haut, nous avons le vitrail de saint Jacques ; en bas, un Christ du Jugement dernier. Le Juge est assis sur un arc en ciel, alors qu’en-dessous les appelés ressuscitent, nus. Les deux pieds sont nus (mais l’un a perdu sa grisaille), les stigmates sont représentés par des motifs en rose rouge. Bel exemple de réemploi propre à un temps où l’on ne regardait pas de trop près à de semblables détails.
Nous voici maintenant arrivés au chœur de la cathédrale, endroit que les fidèles ne foulent pas de leurs pieds habituellement. Nous y trouvons deux figurations de saint Jacques, bien différentes l’une de l’autre.
La première, que chacun peut voir avec l’aide de jumelles, est une peinture exécutée en 1872 par Edward Jacob von Steinle à même le mur du cul-de-four de l’abside, juste en dessous du couronnement de la Vierge. L’ensemble de l’œuvre dénote incontestablement l’influence de l’art byzantin. Notre saint y figure en compagnie de ses condisciples sur ce qu’il est convenu d’appeler la galerie des apôtres ; sur notre photo il est le deuxième à partir de la gauche où on le reconnaît grâce à son nom inscrit verticalement à sa gauche.
L’œuvre se laisse voir avec un certain plaisir car les personnages sont campés sur un lit de verdure où alternent les fleurs, cependant que leurs têtes sont entourées d’une auréole dont les motifs évoquent irrésistiblement la rose de la cathédrale. Vêtus à l’antique ils sont saisis dans une attitude de noble sérénité quelque peu hiératique. Saint Jacques y lève sa main droite comme pour mieux persuader un imaginaire interlocuteur cependant qu’il tient un rouleau de la main gauche, rappel du support utilisé jadis pour les textes.
Enfin, toujours dans le chœur, existe aussi une représentation assez inattendue de notre apôtre ; datée du XVIIIe, elle est l’œuvre d’un sculpteur inconnu. On y reconnaît saint Jacques tant par son nom qui figure sur le socle en lettres dorées que par les trois coquilles qui ornent son vêtement. L’œuvre est intéressante dans la mesure où elle présente notre personnage en buste à l’antique, ce qui l’agrandit et le célèbre en lui conférant majesté et noblesse, autant de valeurs généralement attribuées à tout ce qui ressortit à cette période. Ne dirait-on pas d’ailleurs d’un philosophe grec ou romain ?
Résumons-nous : par ses nombreuses représentations de saint Jacques le Majeur, la cathédrale de Strasbourg s’insère dans ce grand élan médiéval qui a poussé les foules à sillonner les routes de France et d’Espagne en direction de Compostelle. Ces œuvres qui datent parfois de plusieurs siècles ont recouvré une seconde jeunesse et bénéficient d’un regain d’intérêt, surtout depuis que le Conseil de l’Europe a déclaré en 1987 le chemin de Compostelle « Premier itinéraire culturel ».
Sur une idée et des photos de Bernard D.
Texte de Francis K.