La conférence inaugurale de la nouvelle saison proposée par la Société des Amis de la Cathédrale de Strasbourg et la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame a rencontré un vif succès. Devant une salle comble jusqu’aux tribunes, Peter Kurmann et Alain Villes, tous deux spécialistes de l’architecture gothique, ont présenté un thème d’actualité : la reconstruction des cathédrales et notamment celle de Notre-Dame de Paris suite aux incendies qui ont sévi au cours des siècles.
Illustrant leur propos par une large palette de documents, ils ont démontré que les sinistres qui ont frappé ces édifices sont un phénomène récurrent. Ils estiment à 250 le nombre d’incendies de cathédrales et de grandes églises en Europe, du Moyen Âge à nos jours, dont certains monuments à plusieurs reprises. Si les causes résultent en général de la foudre et des guerres, la négligence humaine a joué à plusieurs reprises un rôle important. L’incendie récent de Notre-Dame de Paris conjugue plusieurs problèmes et met en lumière la problématique d’une sécurité incendie qui s’appuie uniquement sur la technologie. Il convient, sur de tels édifices, que les différents intervenants aient aussi une bonne connaissance du monument et fassent preuve d’une vigilance quotidienne.
Face à ces catastrophes répétitives, les réactions des particuliers comme de l’État ont varié entre passivité et solidarité, entre reconstruction à l’identique et innovation plus ou moins radicale. Ainsi, Eugène Viollet-le-Duc, qualifié par Peter Kurmann de créateur visionnaire et d’architecte-restaurateur, n’a pas hésité à imposer sa conception à la restauration de Notre-Dame de Paris, au détriment par exemple des décors peints qu’il a supprimés. Ce chantier colossal a duré vingt ans au XIXe siècle, bien au-delà des cinq ans envisagés pour la reconstruction actuelle. L’opposition entre « restaurateurs » et « constructeurs » fait toujours débat et le désaccord entre les deux conférenciers à propos de la reconstruction de la flèche de Notre-Dame de Paris s’en est d’ailleurs fait l’écho.
Le public s’est, lors des échanges, certes intéressé au cas de Paris, mais aussi à la sécurité de la cathédrale de Strasbourg à propos de laquelle le représentant de la DRAC a apporté des réponses rassurantes. Cette rencontre, plus longue que d’habitude, entre le public strasbourgeois et les deux spécialistes a montré que ce sujet est crucial à l’égard de la préservation des monuments.
Ill. : Manhhai, licence creative commons via Flickr.