Nicolas Lefort, docteur en histoire, a donné le mercredi 15 janvier au Münsterhof une conférence qui a fait salle comble. Pédagogue avisé à la voix posée et à l’élocution claire, il a structuré son propos en des temps forts illustrés de visuels nombreux et variés, certains provenant de l’Œuvre Notre-Dame.
La commémoration de 1939 revêt un caractère particulier au vu des tensions de l’époque. Organisé par les Amis de la cathédrale qui se sont assuré les services de personnalités strasbourgeoises et d’historiens de l’art, le jubilé de 1939 fête le cinq-centième anniversaire de la fin des travaux de la flèche de la cathédrale. Il donne lieu à un congrès de cinq jours, placé sous trois lignes fortes. La dimension culturelle et scientifique s’y caractérise par l’extension et l’inauguration du musée de l’Œuvre Notre-Dame, par une belle exposition de documents anciens au Palais Rohan et un congrès de la SACS qui en profite pour publier un bulletin consacré à la tour et à la flèche. La dimension religieuse ne manque pas puisqu’une grand’messe pontificale est célébrée. Le tout est complété par une dimension patriotique et populaire qui voit les rues pavoisées, la cathédrale illuminée et un long cortège qui défile en vieux costumes alsaciens au son d’une fanfare. Les Alsaciens, venus de tous les villages, manifestent ainsi leur unité autour de la cathédrale où une foule en liesse assiste à un lâcher de pigeons.
La foule en liesse, place de la cathédrale, à l’occasion du cortège du vieux costume alsacien, le 25 juin 1939 (Archives de Strasbourg, 1 Fi 6/45)
Mais la guerre se profilant, l’esprit de fête ne dure pas longtemps. Dès septembre 39, on dépose vitraux et objets d’art au château de Hautefort, en Dordogne. Le monument lui-même est ceint d’un échafaudage en acier empli de sacs de sable que protègent des planches ignifugées, cependant qu’à l’intérieur s’élèvent des coffrages. Abandonnée et déserte comme la ville évacuée, la cathédrale vide révèle alors à certains des détails architecturaux et sculpturaux que nul ne remarquait auparavant. Une dernière messe a beau être célébrée à minuit le 24 décembre, l’édifice désormais fermé et inaccessible ne connaîtra plus d’office religieux pendant la guerre, mais continuera d’être protégé par des travaux qui se poursuivront même sous l’occupation allemande.
Au-delà de la foule de détails mis au jour par cette conférence très fouillée – ainsi qui savait que rien de ce qui est postérieur au XVIIIe siècle n’a été déposé pendant la guerre, car jugé d’intérêt artistique très mineur ? – le propos du conférencier a tout naturellement débouché sur une question d’actualité : la cathédrale de Strasbourg est-elle un trait d’union ou une pomme de discorde de part et d’autre du Rhin ?