En partenariat avec la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame, la Société des Amis de la Cathédrale a donné mercredi 18 mai une conférence sur l’architecture néogothique aux XXe et XXIe siècles. Nombreuses et très belles illustrations à l’appui, Bruno Klein, professeur à l’Université de Dresde et historien de l’art spécialiste du gothique, a dressé un état des lieux étonnant à plus d’un titre.
Premier étonnement : on construit actuellement partout des cathédrales de style historicisant ou fortement inspirées par ce dernier, même quand leur aspect semble parfois délibérément moderne. Tant et si bien qu’on compte actuellement plus de chantiers gothiques actifs dans le monde qu’au Moyen Âge. Qui l’eût cru ? Autre étonnement : ces mêmes cathédrales, malgré les techniques modernes, ne s’édifient pas obligatoirement plus vite qu’à l’ère médiévale, certaines mettant des décennies, voire un peu plus qu’un siècle, jusqu’à leur achèvement. Même après de longues interruptions dues à des problèmes économiques ou politiques, on continue le chantier sans rien changer au style initialement prévu. Seul change parfois le matériau : certaines constructions commencent avec de la pierre mais finissent en béton armé. Autant de surprises qui ont saisi le public.
Comment expliquer ce phénomène qui voit des quartiers de villes australiennes entrer en concurrence pour avoir chacun son église gothique ? Le nombre impressionnant d’édifices de ce style prouve que le gothique contient un potentiel novateur. De plus, pour beaucoup son architecture évoque le sublime et est propre au sentiment religieux. Passant en revue ces nombreux édifices modernes, Bruno Klein a montré qu’ils ne relèvent pas du kitsch dans lequel on les classait au XIXe siècle. Au contraire, ils sont perçus en Amérique latine comme étant l’expression d’une culture moderniste. Mieux : ces nouvelles constructions n’ont rien à voir avec une idéologie réactionnaire, dans la mesure où aucun dictateur n’a jamais construit d’églises gothiques. En fait, il s’agit d’une lame de fond et non pas d’un engouement passager.
On le voit, villes ou continents, partout le néogothique se manifeste avec une vitalité stupéfiante. Tant et si bien qu’il finit même par s’imposer comme un style incontournable de nos jours. Beau renversement de situation.
Francis Klakocer
Ill. : Marinelson Almeida – Wikimedia