Le mercredi 19 octobre, les Amis de la cathédrale et la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame ont donné la deuxième conférence de leur cycle 2022/23 devant un public venu nombreux. Et avec raison. Directeur de l’Institut d’histoire de l’Alsace, Claude Muller y a développé la période trouble des années révolutionnaires où deux prétendants à la cathèdre strasbourgeoise s’opposaient à qui mieux mieux.
L’histoire de la cathédrale s’insère à cette époque dans l’histoire de la France, et ne reste pas sans écho en Europe. D’un côté, le destin d’un homme, Louis de Rohan, représentant d’un catholicisme dur et pur, immensément riche, surnommé par dérision dans toute l’Europe le « cardinal collier ». De l’autre François-Antoine Brendel, de modeste extraction, peu fortuné, prédicateur attitré de la cathédrale et titulaire de la chaire de droit canon à l’université épiscopale. Les remous de l’Histoire ont des implications qui dépassent les seuls intérêts de ces deux antagonistes. De fait, décrétée en 1790, la constitution civile du clergé voit à travers eux s’affronter deux conceptions de la société catholique : les gallicans aux ultramontains, les prêtres assermentés aux réfractaires. Brendel est élu évêque constitutionnel par les électeurs assemblés en la cathédrale en 1791, qui, ce faisant, pensent revenir aux premiers temps du christianisme. Le second l’avait été par ses pairs, chanoines du Grand chapitre, tous titrés de seize quartiers de noblesse au moins.
Dès lors la guerre est ouverte, chacun recourant à ses soutiens et à ses moyens. Mais, malgré quelques heures sombres, le rapport de forces joue en faveur du cardinal. Dénigré comme schismatique car élu par une majorité d’électeurs protestants, objet de libelles et d’écrits diffamatoires dont le cardinal inonde son diocèse, Brendel n’est pas reconnu par son clergé, majoritairement réfractaire. Il commet d’ailleurs l’erreur d’abjurer pour prouver son loyalisme révolutionnaire. Voilà qui fait de lui le traître par excellence, à l’image de ses cheveux roux alors symbole de Judas… Esseulé, il doit même faire appel à des prêtres allemands. La partie était perdue d’avance dans cette lutte entre le pot de terre et le pot de fer. Il démissionne en 1797. Mais ironie de l’Histoire : le cardinal de Rohan doit se démettre lui aussi, en 1801, sous la pression de Napoléon qui veut restaurer la paix civile en faisant table rase du passé.
Solidement documenté, pédagogiquement mené, riche en anecdotes, le propos de Claude Muller aura eu le mérite de jeter un éclairage intéressant sur cette période peu ou mal connue. Ce qu’ont montré les questions d’un auditoire désireux d’en savoir encore plus.
Francis Klakocer
Ill. : Wikipédia