Dans les parties hautes de Saint-Thomas

Les Strasbourgeois connaissent bien l’église Saint-Thomas. Grâce à l’engagement de sa communauté, elle est ouverte au public et se visite aisément. Les merveilles qu’elle recèle – le tombeau de Maurice de Saxe en particulier – sont célèbres bien au-delà de l’Alsace. Pourtant, c’est pour découvrir un tout autre visage de cet édifice que se sont réunis quelques membres de la Société des Amis de la Cathédrale : sous la conduite de Jérôme Ruch, ils ont pu monter dans les parties hautes de l’église.

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Le massif occidental de l’église est d’apparence romane, mais il intègre déjà des éléments gothiques : il a été bâti entre 1220 et 1245 environ. Toutefois, il a été plusieurs fois repris par la suite. L’entrée tripartite d’origine a été en grande partie murée. L’étroit porche sur lequel elle donnait a été complètement ouvert sur l’intérieur ; c’est grosso modo le vestibule actuel. À l’intérieur, il faut rétablir par l’imagination les tribunes latérales ouvertes sur deux travées, qui se prolongeaient le long du mur occidental, au-dessus du porche. Au XIVe siècle, la nef est élargie par l’adjonction de deux vaisseaux latéraux qui viennent s’appuyer sur les extrémités du massif, puis la tour est surélevée. Ces campagnes successives créent un ensemble complexe à lire, où au gré des époques l’extérieur passe à l’intérieur, ou un espace consacré aux fidèles devient un débarras.

Dans un angle du narthex, une étroite porte, très discrète, s’ouvre sur un escalier en colimaçon. Les marches sont marquées par les trous de louve et les marques de tailleurs, que personne n’a cherché à dissimuler dans ses espaces de circulation « techniques ». Le bois succède à la pierre et nous arrivons en haut des parties latérales ; notre guide soulève quelques volets et nous apprécions les premières vues sur le quartier. Puis nous nous glissons dans les tourelles qui flanquent le clocher du XIIIe siècle. Elles nous entrainent jusqu’au beffroi en bois, installé dans l’étage du XIVe siècle. Cette impressionnante structure est composée de pièces montées en chevalet pour supporter le poids et le mouvement des cloches sans s’appuyer sur les murs. Nous pouvons apprécier de près les deux cloches anciennes et leurs quatre nouvelles compagnes, avant de partir au pas de charge pour échapper à leur sonnerie.

Nous redescendons un peu pour accéder à la charpente de la nef. Sous nos pieds, un plancher qui cache l’extrados de la voute. Au-dessus de nous, deux autres planchers superposés. Et devant nous, une « roue à écureuil », ce dispositif de levage qui permettait, grâce à l’énergie humaine, de monter les pièces les plus lourdes avec un moindre effort. Nous franchissons les différentes volées d’escaliers en appréciant l’ingéniosité de la charpente, en pentes successives savamment articulées les unes aux autres pour couvrir les différents vaisseaux. Nous nous dirigeons vers la tour de croisée, dont nous pouvons déjà apprécier l’une des façades… aujourd’hui seulement visible de l’intérieur de la toiture !

Nous franchissons une porte et nous découvrons la voute de la croisée… vue du dessus. Encore un passage un peu acrobatique, et nous voici dans l’étroite galerie qui longe les toits de la coupole. La vue sur la ville est grandiose, à 360°. Nous nous arrêtons tous pour apprécier la façade de la cathédrale sous un angle inédit. Et nous pouvons refaire le chemin à l’envers pour revenir dans le narthex, à notre point de départ. Notre guide nous montre encore quelques œuvres au gré de nos questions. Il reste encore quelques mystères à dévoiler : la chapelle romane Saint-Blaise, fermée au public, ou un atlante du XIIIe siècle caché derrière les boiseries du chœur. Mais ce sera peut-être pour une autre visite ?

Julien Louis
Ill. Roland Moeglin

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