Face aux experts autoproclamés, aux visiteurs crédules et aux politiciens mal informés, la Société des Amis de la cathédrale veut rétablir la vérité en ce qui concerne le rayon vert qui passe par le pied de Juda et éclaire la face du Christ, deux fois l’an.
Déjà dans les D.N.A. du 4 octobre 1998, Simone Schultz, docteur en histoire de l’art, affirmait que « des photographies faites entre 1946 et 1950 laissent apparaître des traces de peinture modelant le coup de pied. » C’est l’effacement de cette peinture, voire son remplacement par du verre brut transparent, qui a créé le phénomène, précise-t-elle. Depuis, la DRAC n’a cessé de confirmer ces propos.
La pièce de verre sur laquelle on voit le pied de Juda ne date nullement de la création du vitrail, soit des années 1873-1875. En réalité, cette pièce est due à une altération qui a suivi la dépose des vitraux durant la Seconde Guerre mondiale. D’ailleurs, lorsqu’on a remis les vitraux en place, le pied originel de Juda existait encore – une photographie qui date de cette époque en atteste. La vérité s’impose : les verrières du triforium ont connu des réparations grossières en 1969-1970. Grossières au point que la mise en place d’un carreau de verre transparent dans le pied de Juda est une aberration survenue à ce moment, lors de travaux d’entretien dont témoigne une pièce comptable encore disponible. D’autant que les pièces de verre ancien situées autour de cette pièce moderne sont brisées et mastiquées sommairement ; c’est donc bel et bien un accident qui a endommagé la verrière et entraîné cette réparation grossière.
En outre, alors que les autres vitraux sont constitués de verre translucide, le pied de Juda serait l’unique pièce de verre transparent de tout le triforium sud ! Or les vitraux traditionnels ne sont jamais transparents. Comme dans les autres vitraux, le pied était donc auparavant en verre translucide dont la propriété est évidente : grâce à lui, la lumière passe à travers les vitraux, mais on ne peut voir au travers ce qui se trouve de l’autre côté de la verrière. La lumière est donc diffusée de manière plus douce et ne produit pas de « point lumineux » éblouissant – ce qui perturberait d’ailleurs la lecture de la composition-, et encore moins de « rayon ». Autrement dit, en mars 2022, et nous le disons au grand dam des aficionados du rayon vert, il s’agissait pour la DRAC de rétablir la lisibilité du vitrail afin de renouer avec ce qui était autrefois. En clair et en bref : le pied de Juda n’était pas transparent au XIXe siècle et donc n’illuminait pas la face du Christ.
Francis Klakocer
Ill. : Ernest Muller