Tomas Brunner, Olivier Richard, La cathédrale de Strasbourg et les sceaux au Moyen Âge

Pour la première conférence de la nouvelle année, la Société des Amis de la cathédrale et la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame ont vu venir à eux la foule des grands jours. Et avec raison. Thomas Brunner et Olivier Richard, médiévistes universitaires, ont su intéresser leur auditoire aux sceaux des chanoines strasbourgeois du Moyen Âge.

Une introduction rondement menée a précisé en quoi consistaient les sceaux : faits de cire à partir de matrices dont la plupart ont disparu, images et légendes y sont toujours présentes, mais varient selon les chanoines. D’où la question :  ces sceaux servaient-ils à manifester leur appartenance au Grand Chapitre ou à la haute noblesse de leurs origines ? D’abord réservés aux seuls souverains et papes, les sceaux ont été rapidement utilisés par les évêques, abbés et chanoines : à preuve le sceau de l’abbaye d’Altorf daté de 1117 ou ceux des chapitres de Saint-pierre-le-Jeune et de Saint-Thomas. Et, au moins dès 1182, le Grand Chapitre possédait son propre sceau, se démarquant ainsi de l’évêque.

Leur évolution est intéressante. Vient en effet le temps où les chanoines s’accaparent aussi les sceaux qui s’individualisent alors, certains en ayant même plusieurs, en rapport avec les charges qu’ils cumulaient ou avec l’évolution de leur carrière. D’aucuns y sont saisis assis, vus de profil, lisant devant un pupitre et s’affichant ainsi en lettrés. Puis les sceaux changent de forme et deviennent oblongs (en navette), ce qui permet de représenter les chanoines debout aux alentours de 1220. Les sceaux dits monumentaux sont assez rares, à l’image de celui de Berthold d’Ochsenstein où l’on voit le chanoine dans une arcade d’église stylisée. Ces mêmes sceaux peuvent aussi être hagiographiques et donner à voir saints et saintes, le plus souvent la Vierge Marie qui délaisse progressivement son attitude hiératique au profit d’une posture plus humaine. Ce dernier cas est notamment celui de Burcard de Hewen qui en 1363 y ajoute en plus ses armoiries. Cette tendance s’accentuera et, à partir du XIVe siècle, les chanoines afficheront leur noblesse plus que leur canonicat. Vanité des vanités…

On l’aura compris : la collecte des sceaux permet de répondre à des questions d’histoire culturelle et sociale. Le projet SigiAl, initié par les deux conférenciers et versé sur la base de données Sigilla (www.sigilla.org), est encore plus ambitieux : il veut faire l’inventaire de tous les sceaux alsaciens encore existants (plus de neuf mille ont déjà été répertoriés) pour devenir une base numérique des sceaux conservés en France. Cela demande des bénévoles prêts à s’investir dans cette belle tâche. Avis aux amateurs.

Francis Klakocer
Ill. : Sigilla / BnF

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