Entre 1966 et 1972, des archéologues ont l’occasion providentielle de fouiller le sous-sol de la chapelle Saint-Laurent de la cathédrale de Strasbourg. Leurs découvertes sont si intéressantes qu’il est vite décidé de les conserver : une chape de béton est coulée au niveau du sol du bas-côté, et une véritable « crypte archéologique » est ainsi créée juste en dessous. Certains membres de notre Société se souviennent peut-être y être descendus lors de visites guidées – ce n’est plus possible aujourd’hui suite à une infection du site par la mérule.
En 2014-2015, dans la perspective du millénaire des fondations de la cathédrale en 2015, une équipe pluridisciplinaire reprend l’étude du site : les maçonneries – en particulier ces fameuses fondations -, les objets dégagés, les photographies… Outre les classiques relevés, toujours précieux, techniciens et archéologues réalisent une modélisation 3D du sous-sol, une lasergrammétrie (« nuage de points ») de l’intégralité de la chapelle…
Un des acteurs de cette recherche, le Dr Gertrud Kuhnle, du Landesamt für Denkmalpflege im Regierungspräsidium Stuttgart, a mis en ligne gratuitement certains de ses articles rendant compte de ces recherches. Ils sont accessibles sur le réseau social Academia. Pour y accéder, il est nécessaire de créer un compte personnel, mais l’opération est gratuite, ainsi que la consultation des articles déposés par leurs auteurs.
Un premier article, en anglais, décrit les techniques de numérisation spatiale mises en œuvre. La modélisation 3D de la chapelle a été réalisée sur la base de la combinaison de techniques de topographie conventionnelles pour la création du réseau, de numérisation laser pour la création du modèle et de techniques photogrammétriques pour la texturation de quelques parties. Le sous-sol a été relevé et modélisé avec plus de détails et une plus grande précision. Les archéologues ont ainsi pu confronter leurs hypothèses à celles d’autres disciplines en simulant des constructions d’autres édifices de culte sur les fondations composant le sous-sol.
À lire ici : T. Landes/G. Kuhnle/R. Bruna, 3D MODELING OF THE STRASBOURG’S CATHEDRAL BASEMENTS FOR INTERDISCIPLINARY RESEARCH AND VIRTUAL VISITS. In: The International Archives of the Photogrammetry, Remote Sensing and Spatial Information Sciences, Volume XL-5/W7, 2015
Un second présente les résultats scientifiques de ces observations. Le niveau le plus ancien remonte au camp romain, avec les restes de deux maisons luxueuses, sans doute occupées par des membres de l’état-major, des tribuns. La découverte la plus remarquable concerne un massif de maçonnerie que les premiers archéologues avaient échoué à interpréter : il pourrait s’agir d’une piscine baptismale du IVe ou Ve siècle, le plus ancien lieu de culte chrétien identifié à Strasbourg. L’édification de la cathédrale actuelle bouleverse tous ces niveaux, d’abord avec les fondations de la cathédrale ottonienne (vers 1015) puis la construction d’une chapelle sur ossuaire consacrée à saint Michel (1180 / 1200 puis 1225 / 1235). Celle-ci sera détruite avant 1515 pour laisser place à l’actuelle chapelle Saint-Laurent.
À lire ici : Réexamen du sous-sol de la chapelle Saint-Laurent, un panorama exceptionnel du camp romain à l’actuelle cathédrale. In: MISTLER A. (éd.), Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. 100 ans de travaux, Strasbourg, I.D. L’Édition, 2015, p. 34-43
Julien LOUIS
Ill. : INSA de Strasbourg, photo T. Landes