L’intérêt manifesté par le public au dessin qui a récemment enrichi les collections du musée de l’Œuvre Notre-Dame est grand, puisque c’est une salle comble qui a assisté mercredi 26 février à la conférence donnée par Mme Sabine Bengel et M. Stéphane Potier à ce sujet.

Agréablement présentée grâce à des illustrations dont certaines en 3D et pédagogiquement construite, la conférence a développé trois thèmes : l’histoire de ce dessin, ses rapports avec d’autres constructions de flèches de la Mitteleuropa et sa lecture.
De très haute qualité d’exécution, le dessin sur parchemin, attribué à Jean Hültz, a connu une histoire mouvementée. Très probablement propriété de l’Œuvre Notre-Dame, il a disparu lors des troubles révolutionnaires puisqu’il ne figure pas dans l’inventaire dressé en 1810 par le receveur de cette même fondation. Acheté par un architecte dijonnais à un marchand de ferrailles, il est demeuré dans cette famille jusqu’en1994 et n’était connu que par une copie réalisée en 1845. Il réapparait sur le marché de l’art en 2013. Acheté grâce, entre autres, à un mécénat des Amis de la cathédrale, il a été restauré et est exposé depuis 2023 au musée de l’Œuvre Notre-Dame.
Ce dessin n’est pas le seul de son espèce puisqu’on recense plusieurs projets de flèches dans le Rhin supérieur et dans la Mitteleuropa. Nombre de cathédrales de cette aire géographique sont d’ailleurs dotées de flèches ajourées, la palme de l’ancienneté revenant à Fribourg-en-Brisgau avec une flèche datée de 1330 qui a inspiré les autres. Il faut dire que les architectes et maîtres d’œuvre circulaient d’une ville à l’autre, emportant avec eux leurs projets et idées.
Notre dessin est très probablement le fruit d’une commande, dessin de projet puisqu’il n’a pas été repris tel quel lors de la construction et que les dessins dits de réalisation ont été perdus. C’est aussi un dessin originel qui se démarque de sa copie de 1845 par certains détails. C’est le cas notamment de deux chiffres romains qui ne peuvent guère qu’indiquer des hauteurs depuis la coursive. Si on sait qu’il est influencé par un dessin de Cologne, la réalisation de la flèche a suivi un autre projet, plutôt influencé par la cathédrale de Prague. Ce n’est qu’une partie des mystères qui le concernent actuellement et que le public, par ses questions nombreuses et diverses, a tenté d’éclaircir en précisant notamment que ce dessin aurait pu avoir été calqué par Goethe en personne lors de son séjour à Strasbourg…
Francis Klakocer