G. Bischoff, La liberté d’une cathédrale

Pour leur conférence du 18 octobre, les Amis de la cathédrale ont fait salle comble au Münsterhof. Il faut dire que le conférencier et le sujet abordé avaient de quoi susciter l’intérêt. Georges Bischoff, historien bien connu, y a parlé de la cathédrale sous l’angle des enjeux politiques d’un lieu de mémoire, avec pour sous-titre Le crayon rose de la Liberté. Très richement illustrée de visuels, fortement structurée, sa conférence a en fait retracé l’histoire complexe de la cathédrale, à plusieurs niveaux.

Après une brève introduction qui montrait avec humour à quel point la cathédrale est devenue actuellement le centre d’un parc d’attractions, il s’est intéressé au dénominateur commun entre la réalité et l’imaginaire.

Symbole politique pour la Ville de Strasbourg qui s’identifiait à elle par le serment civique annuel (le Schwörtag), par les statues équestres des rois qui ont joué un rôle dans son édification, sa silhouette est omniprésente dès qu’il s’agit de la ville au Moyen Âge comme à la Renaissance et se retrouve même là où on ne l’attendait pas : sur un médaillon d’un concours de tir, par exemple. Mais elle est aussi considérée comme un monument européen dès 1739, donc bien avant le passage de Goethe.

Surtout, elle reflète dans un premier temps l’histoire trouble des rapports de Strasbourg avec la France. Dès 1681, année d’annexion par les armées de Louis XIV, on détruit des bas-reliefs qui représentaient une scène animalière prétendument anticléricale, cette intolérance se poursuivant jusqu’en 1789. Aussi ne faut-il pas s’étonner que l’on y ait organisé une cérémonie publique d’enterrement de la royauté. Dès lors, la cathédrale se mue en monument national ouvert à tous, devient une tribune qui répand les idées nouvelles et, Temple de la Raison, elle est le porte-parole de l’émancipation universelle. Cette belle période prend fin avec l’annexion de 1870, moment à partir duquel elle est perçue comme le symbole du pays perdu. Des décennies plus tard, les nazis la revendiquent comme le monument allemand par excellence cependant que les Français luttent pour la recouvrer, jusqu’à ce 23 novembre 1944 où, à 14h30, Maurice Lebrun hisse le drapeau tricolore sur la flèche. A partir de cette date, elle devient progressivement un piédestal pour différentes causes et, surtout, le symbole de l’Europe, car de la Liberté.

Après des applaudissements nourris, la conférence s’est poursuivie par un échange, grâce à quoi certains points ont pu être éclaircis, tandis que d’autres étaient abordés à la grande satisfaction d’un auditoire très intéressé.

Francis Klakocer
Ill. : Miniature aquarellée de la chronique de Staedel, Musée historique de Strasbourg, MH 1443

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