Grâce à leur adhésion à l’association, les Amis de la cathédrale de Strasbourg peuvent pénétrer des endroits habituellement fermés. C’est le cas avec les ateliers de l’O.N.D. situés à la Meinau qu’ils ont visités pendant une heure et demie sous la houlette d’Emmanuel Martz, sculpteur à la Fondation.

A l’écart des grands axes routiers, le site présente des intérêts multiples.
Son histoire d’abord. Situés initialement rue du Grand Couronné, les ateliers emménagent dans la plaine des Bouchers en 1960 et quittent les lieux en 2005 pour être plus près de la cathédrale et par manque de place. A la Meinau, n’œuvrent plus que quelques ouvriers, tailleurs de pierre essentiellement et un forgeron. De nouveau à l’étroit, la Fondation songe actuellement à s’étendre en achetant deux locaux, car la location des entrepôts coûte cher.
D’autant plus que s’y trouve une glyptothèque (ou dépôt lapidaire) dont un grand nombre de sculptures, soigneusement étiquetées, provient du barrage Vauban où elles occupaient jadis les deux niveaux. A l’abri de l’humidité (ce qui n’était pas le cas au barrage) et de la pluie, elles résistent mieux à l’épreuve des ans et du temps et permettent de servir de repères pour le travail des sculpteurs. De l’autre côté on pénètre dans une caverne d’Ali Baba : la gypsothèque où s’entremêlent à foison moulages de statues partielles ou entières, parfois en plusieurs répliques avec des variantes. Évêques, saints, anges, cavaliers s’y offrent à nos yeux ébahis qui ne savent plus où regarder. D’autant que s’y ajoutent monstres et gargouilles à volonté, grimaçant à qui mieux mieux.

La forge est jours en activité dans un atelier à part. Le forgeron a du travail, car les outils s’usent vite et il faut les réparer chaque jour dans un foyer qu’il active jusqu’à 1400°. Sous nos yeux intéressés, il a donné une démonstration de son savoir-faire en rougissant le fer, le martelant, le trempant jusqu’à lui donner la forme voulue en en faisant un outil déclaré bon pour le service, avec du tungstène on ne peut plus résistant.
Enfin, à l’extérieur, d’énormes blocs de grès sont accumulés près de la forge, dont le poids va jusqu’à plusieurs tonnes parfois et que seul un pont roulant peut déplacer. L’investissement est conséquent : près de 1200€ le mètre cube. Et pourtant, les carrières ferment car non rentables de nos jours et il faut anticiper par la réalisation de stocks conséquents en achetant à Niderviller ou à Bitburg (Allemagne). Tailleur de pierre et sculpteur travaillent de pair dans les carrières pour déterminer le grès de la meilleure qualité. On laisse reposer les blocs deux ans avant de les utiliser, pour être sûr qu’ils ne contiennent pas de défauts. Ils passent ensuite à la découpe à l’aide d’une corde tournante pourvue de diamants industriels qui fendent un gros bloc en une heure. Puis ils sont la proie d’une grande roue dentée qui le découpe en plaques plus fines.

Visite d’une heure et demie qui fut une riche découverte combinant plaisir des yeux et de l’esprit. On en redemande…
Francis Klakocer
Ill. : Roland Moeglin