Saint Jacques à la cathédrale de Strasbourg – 1. Les monuments disparus

A l’heure où nombre de pèlerins sillonnent par monts et vaux les sentiers de Compostelle, nous vous proposons un cheminement autre : la cathédrale de Strasbourg offre, par ses nombreuses représentations de saint Jacques le Majeur, l’occasion d’un voyage dans le temps et dans l’espace.

D’après les évangiles synoptiques et les Actes des Apôtres, Jacques est le frère de l‘apôtre Jean, deux pêcheurs qui laissent leur barque pour suivre Jésus. Avec Pierre et Jean il assiste à la résurrection de la fille du chef de la synagogue, à la Transfiguration et à la scène qui se déroule au mont des Oliviers. C’est dire son importance. Les Actes mentionnent très succinctement sa mort par décapitation sur ordre d’Hérode Agrippa, dernier roi juif de Judée. Selon la légende, il aurait gagné l’Espagne pour évangéliser ce pays où ses os auraient été apportés et sa tombe découverte ultérieurement.

L’iconographie traditionnelle permet de le reconnaître aisément : coiffé d’un chapeau orné d’une coquille et à larges bords, il tient dans ses mains le bourdon (= le bâton) du pèlerin et est vêtu d’une grande cape qui laisse entrevoir sa gourde et sa besace. Parfois il est doté d’une épée en mémoire de son martyre.

Notre première étape nous emmène dans le passé de la cathédrale, en quête de ce qui a disparu ou dont il ne reste plus que des traces. Une gravure d’Isaac Brunn, publiée en 1617 dans ce qui est le tout premier guide de la cathédrale (Summum Argentiniensium Templum), montre l’ancien portail du transept sud, différent de l’actuel.

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Le portail sud au début du XVIIe siècle. Saint Jacques est le n°12.

Saint Jacques (n°12) y figurait parmi ses condisciples, à côté de la statue de la Synagogue. Chevelu et barbu, il y tenait à la main un livre sur lequel figuraient deux coquilles. S’agissait-il d’un livre d’heures ou de l’Évangile ? On ne saurait le dire. En tout cas l’allusion à l’épître de Jacques est exclue, puisqu’elle était alors traditionnellement attribuée à Jacques le Mineur.

A l’intérieur, notre saint était représenté sur plusieurs autels. C’était le cas d’un autel sur le jubé, situé tout à droite, à côté de la colonne et tourné vers le chœur. Offert par l’Ammeister Nicolas Schneider et sa femme Anna en 1338, il disparut en 1682 lors de la suppression du jubé. S’y ajoutait un autel dont l\’emplacement n\’est pas connu et qui avait été consacré à saint Jacques, à saint Martin et aux saints Innocents, avec une prébende offerte en 1312 par Konratd Schidelin et sa femme Metza.

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La dédicace de l’autel de saint Jacques de 1334, dans le bas-côté sud

Enfin, dans le bas-côté sud, à l’endroit où se trouve actuellement le stand de souvenirs, était situé un autre autel disparu lui aussi. Il était consacré à la sainte Trinité, à saint Jacques-le-Majeur, à sainte Catherine et saint Josse. Commandité par Henri Olding en 1334, il fut probablement détruit à la Réforme. Mais sa dédicace en latin est encore lisible car gravée dans le mur : Anno dni MCCCXXXIIII constructum est et dotatum hoc altare […] in honore sce Trinitatis ac gloriose virginis Marie genitricis dei ac sancti Jacobi apostoli maioris ac sancte Kacherine Virginis et martiris et sancti Jodoci confessoris. Ce qui signifie : « Cet autel a été érigé et doté en l’année du Seigneur 1334 […] en l’honneur de la sainte Trinité et de la glorieuse vierge Marie mère de Dieu et de l’apôtre saint Jacques le Majeur et de sainte Catherine vierge et martyr et de saint Jodoque confesseur. » Notons que saint Josse (Jodoque sous sa forme savante) figure dans cette dédicace parce que patron des pèlerins, avec les attributs desquels il est souvent représenté. L’inscription elle-même court sur les deux travées de droite sur la photo où elle est encore visible de nos jours, bien que difficilement lisible.

A ces éléments disparus il convient d’ajouter une confrérie d’accompagnement des malades et des morts (Bruderschaft für Priester und Laien beiderlei Geschlechts) placée sous le patronage de notre saint. Créée en 1484 avec pour siège l’église des Dominicains, elle est transférée en 1524 dans la cathédrale, plus précisément à l’autel consacré à saint Dieboldt, probablement démantelé lors de la Réforme. Cet autel était situé à l’actuel emplacement de l’autel saint André, entre l\’entrée de la chapelle du même nom et la tour des poids de l\’horloge.

On estime par ailleurs que trois autels ont été consacrés dans la cathédrale à saint Jacques, preuve de la renommée de ce saint et de sa notoriété en Alsace. Le temps et ses tribulations ont eu raison de tous ces ouvrages, à jamais disparus.

Sur une idée et des photos de Bernard D.
Texte de Francis K.

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