De novembre à fin janvier, il est un rendez-vous matinal auquel j’aime me rendre en la cathédrale de Strasbourg. C’est le 6 janvier 2017, jour de l’Épiphanie, que j’ai vu pour la première fois un joli spot rouge auréolant, tel le fameux rayon vert, le Christ en croix sur la chaire de Geiler.
Le phénomène, se produisant vers 10 heures, une demi-heure après l’ouverture (9h30 à l’époque), passe presque inaperçu tant le regard des premiers visiteurs est sollicité par la splendeur de Notre-Dame, surtout en cette période de Noël où s’ajoutent au décor la magnifique crèche, la grande couronne de l’Avent et les tapisseries suspendues entre les travées.
Il n’y a pas de « rayon » sensationnel réellement visible mais j’ai pu localiser la source lumineuse en bordure de la baie 26, à droite du panneau en arc brisé sur la quatrième lancette où se trouve historiée la Nativité de la Vierge. Là, un Ange en buste regarde vers une pièce de verre rouge aux reflets intenses sur la pierre de fenestrage. Sur cette pièce de verre, je remarque une cassure laissant filtrer un éblouissant faisceau…
Je fais part de cet éclairage particulier à l’inventeur du rayon vert, Maurice Rosart, que je remercie encore pour son amabilité et ses précieux conseils. Je m’informe alors dans divers livres pour retrouver des photos de cette baie et découvre la passionnante histoire des vitraux du bas-côté sud dans le Bulletin des Amis de la Cathédrale de Strasbourg 1974 par Christiane Block. Dans le Corpus Vitrearum du CNRS (1986), sur une photo de 1972, se trouve un plomb suivant le tracé de la cassure repérée, alors que sur le site de la base Mémoire des Archives du Patrimoine et de l’Architecture, une photo (Maurice Thaon 1957) du vitrail déposé montre l’Ange le regard déjà tourné vers l’extérieur du panneau. Ici, la pièce de verre est intacte et le plomb est absent. Ce n’est qu’en lisant une publication de la DRAC relatant les restaurations effectuées entre 2009 et 2012 que j’apprends le terme de « plombs de casse », remplacés lors de cette campagne par une résine optique plus esthétique, et déduis ainsi l’origine du « rayon » rouge…
Me rendant régulièrement à la cathédrale afin de poursuivre mon observation in situ, je relève alors le parcours de ce spot rouge au fil de l’année. Le 9 novembre à 9h58, après avoir franchi le pilier face à la chaire, le spot apparaît sur la figure du Tétramorphe, le lion représentant Saint Marc, à la base de la chaire. Le 17 à la même heure, il illumine la Vierge à l’Enfant juste au-dessus, puis le spot monte jusqu’à son apogée le 21 décembre, jour du solstice d’hiver, culminant au-dessus du dais qui surplombe le Christ. Passée cette date, le soleil remontant chaque jour plus haut sur l’horizon, le spot rouge redescend alors sur l’axe de la chaire avec un décalage progressif de quelques minutes pour rejoindre la base à la toute fin janvier vers 10h30.
Est-ce qu’une tache rouge était déjà visible sur la chaire avant la cassure dont la dernière restauration n’aurait qu’accentué l’effet en un spot plus concentré ? Si tel est le cas, le regard de l’Ange serait-il orienté intentionnellement pour cette raison ?
Coïncidence ou pas, la beauté de cet éphémère spectacle et la météo souvent malicieuse en font, pour moi, un rendez-vous toujours haletant !
David Emmel